22/11/12 09:44

L'agomélatine est-elle supérieure à la venlafaxine sur l'anhédonie ?

Catégorie : Lecture
Auteur : Jack R Foucher
Que penser des résultats de l'étude promue par le laboratoire ?

Le laboratoire Servier met en avant l'étude de Martinotti et coll. (2012) sur l'anhédonie pour promouvoir l'agomélatine. Il s'agit d'une étude ouverte agomélatine 25 mg augmentable à 50 mg/j, vs venlafaxine XR (càd LP) 75 mg augmentable jusqu'à 150 mg/j. L'agomélatine devait être prise à 8h du soir et non lors de l'extinction de la lumière comme recommandé par le laboratoire. La venlafaxine devait être prise la matin. L'étude durait 8 semaines, et incluait 30 patients ambulatoires par bras souffrant de dépression unipolaire ou bipolaire. Nous n'avons pas connaissance du taux de rétention.
La réduction des scores de la CGI, la HAM-D et la HAM-A n'étaient pas différentes entre les 2 groupes, mais le groupe sous agomélatine avait une réduction significativement plus importante à l'échelle de l'anhédonie, la SHAPS (Snaith-Hamilton Pleasure Scale). Cette réduction était rapide avec une différence déjà présente à la première semaine, se maintenant à la 8ème semaine. Les deux produits étaient bien tolérés et il n'y a pas eut de virage maniaque.
Cette étude fait écho à une première étude ouverte du même groupe chez 30 patients dépressifs ou l'agomélatine entrainait là aussi une réduction rapide des scores d'anhédonie. Les auteurs rappellent que l'anhédonie est un symptôme central du diagnostic de dépression, qu'il s'agit d'un symptôme résiduel fréquent qui majorait le risque de récidive.

Commentaires : En dehors du fait qu'il s'agit d'une étude ouverte et non randomisée, la portée de ces conclusions doit être tempérée par l'utilisation de faibles doses de venlafaxine. Ce produit est essentiellement IRS en dessous de 150 mg et donc présente le même risque de rémission apathique que celui observé avec les produits de cette classe. Ce n'est qu'au-delà que la venlafaxine, et surtout la norvenlafaxine, peuvent avoir un effet d'inhibition sur la recapture de la NA et donc sur l'anhédonie. Quand à l'effet positif de l'agomélatine, il pouvait être attendu en raison de son action sur le Rc 5HT2c. Ce récepteur, présent sur les cellules DA de la VTA entraine une réduction de leur activité. Son blocage réduit cette effet inhibiteur et augmente la libération de dopamine, substance hédoniante par excellence. Il n'y a aucune donnée dans la littérature pour savoir si l'agomélatine est un simple antagoniste de ce récepteur ou un agoniste inverse. Cet effet, que présente la mirtazapine, est à l'origine d'un net surcroit d'activité dopaminergique par rapport aux substance ayant un simple effet antagonistes. Reste que l'agomélatine n'est présente que quelques heures dans l'organisme (demi-vie < 2h, un avantage pour l'effet resynchronisant). Il semble que l'entrainement du système dopaminergique tend à s'auto-entretenir d'où cet effet rémanent sur l'humeur en monothérapie. En revanche, il est peu probable que l'association avec un IRS / IRSNA soit aussi efficace que peut l'être l'association de ces produit avec la mirtazapine en raison de cette courte demi-vie. Les IRS viendraient casser l'élan apporté par l'action sur le Rc 5HT2c.
En pratique l'agomélatine est certainement un produit intéressant, maintenant à dire que son mécanisme d'action soit nouveau est excessif (antagoniste / agoniste inverse ? sur les 5HT2c) tout comme dire qu'il s'agit du seul anti-anhédoniant du marché (IMAO, bupropion, pramipexol, mirtazapine, ...).

Martinotti G, Agomelatine versus venlafaxine XR in the treatment of anhedonia in major depressive disorder: a pilot study. J Clin Psychopharmacol. 2012 ;32:487-491.