Gérard de Nerval

Etude de cas et commentaires Jack R Foucher

Hypothèses diagnostiques selon la CIM-10

Gérard de Nerval est classiquement diagnostiqué de bipolaire. Le diagnostic de manie du Dr Blanche doit en être pour partie responsable. Cependant il faut rappeler que ce terme n'avait pas le sens que nous lui prêtons aujourd'hui. Il s'agissait d'une appellation générique pour une crise de folie, de démence ou un état de fureur.
L'aspect rémittant des épisodes est aussi un des éléments qui a fait envisager ce diagnostic si on adopte la nosologie française. Mais avec les définitions de la CIM-10, cette caractéristique évolutive s'observe aussi bien dans certaines schizophrénies.

Certes les troubles semblent s'être accompagnés d'une perturbation de l'humeur, au moins en partie concourante avec les troubles psychotiques. Mais ces derniers semblent avoir existés au moins par instant en l'absence de dérèglement thymique évident, ce qui exclu un trouble bipolaire avec composante psychotique non congruente à l'humeur pour la CIM-10. Notez que le caractères non congruent est surtout lié aux hallucinations qui pour certaines semblent ne pas entretenir de lien avec la composante émotionnelle (exemple : hallucinations neutres). Les idées délirantes pourraient essentiellement s'expliquer par la note thymique, encore que l'idée d'un lien avec la mécanique de l'univers puisse être discutable :

"Je m'imaginai d'abord que les personnes réunies dans ce jardin avaient toutes quelque influence sur les astres, et que celui qui tournait sans cesse dans le même cercle y réglait la marche du soleil. Un vieillard, que l'on amenait à certaines heures du jour et qui faisait des noeuds en consultant sa montre, m'apparaissait comme chargé de constater la marche des heures. Je m'attribuai à moi-même une influence sur la marche de la lune, et je crus que cet astre avait reçu un coup de foudre du Tout-Puissant qui avait tracé sur sa face l'empreinte du masque que j'avais remarquée.
J'attribuais un sens mystique aux conversations des gardiens et à celles de mes compagnons. Il me semblait qu'ils étaient les représentants de toutes les races de la terre et qu'il s'agissait entre nous de fixer à nouveau la marche des astres et de donner un développement plus grand au système. Une erreur s'était glissée, selon moi, dans la combinaison générale des nombres, et de là venaient tous les maux de l'humanité. Je croyais encore que les esprits célestes avaient pris des formes humaines et assistaient à ce congrès général, tout en paraissant occupés de soins vulgaires. Mon rôle me semblait être de rétablir l'harmonie universelle par art cabalistique et de chercher une solution en évoquant les forces occultes des diverses religions.
[...] Il y avait une vaste conspiration de tous les êtres animés pour rétablir le monde dans son harmonie première, et que les communications avaient lieu par le magnétisme des astres, qu'une chaîne non interrompue liait autour de la terre les intelligences dévouées à cette communication générale, et que les chants, les danses, les regards, aimantés de proche en proche, traduisaient la même aspiration. La lune était pour moi le refuge des âmes fraternelles qui, délivrées de leurs corps mortels travaillaient plus librement à la régénération de l'univers." (2ème partie, VI, p29)


La survenue aiguë du trouble, sa durée a priori brève (pour le premier épisode au moins, c'est beaucoup moins claire, voir moins vrai pour les suivants) et surtout la polymorphie des manifestations thymiques et psychotiques pourrait faire envisager le diagnostic de trouble psychotiques aigus et transitoire. La présence d'illusions visuelles persistantes et d'un trouble du cours de la pensée (cf. lettre) suffiraient à remplir les critères d'une schizophrénie. On pourrait donc envisager le diagnostic de trouble psychotique aigu polymorphe avec symptômes schizophréniques (F23.1) pour le premier épisode.
En revanche, les épisodes de 53-54 semblent trop long (> 1 mois, encore qu'en l'absence d'éléments schizophréniques, la durée peut aller jusqu'à 3 mois). Aussi la forte composante thymique concurrente devrait plutôt faire envisager le diagnostic de trouble schizo-affectif. Le type semble plus vraisemblablement mixte de par l'entremêlement des composantes d'exaltation, d'anxiété et de dépression se succédant apparemment rapidement, voir s'entremêlant (F25.2).

A noter que le diagnostic de trouble psychotique aigu polymorphe (avec ou sans symptômes schizophréniques) est censé correspondre à notre bouffée délirante aiguë ou aux psychoses cycloïdes de l'école de WKL. Le caractère polymorphe est important, au moins sur le plan pronostic, puisque sa présence semble exclure dans plus de 95% des cas une évolution vers la chronicité selon une étude menée à Halle (Allemagne) par Marneros et Pillmann (HASBAP : Halle Study on Brief and Acute Psychoses). Mais à l'inverse, l'absence de polymorphie n'implique pas un risque évolutif particulier.

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Hypothèses diagnostiques selon le DSM-IV R

Il n'y a pas de critère de durée minimum aussi stricte pour les troubles schizo-affectifs que pour la schizophrénie dans le DSM4R (troubles présents pendant >1 mois vs. recul de 6 mois), mais la nécessité d'observer des symptômes psychotiques en l'absence de symptômes thymiques pendant au moins 2 semaines (le reste du temps les deux doivent être concourants). Aussi le diagnostic oscille entre trouble bipolaire avec composante psychotique non congruente à l'humeur et trouble schizo-affectif.
Remarquez que le DSM ne dispose pas d'une catégorie similaire à celle des troubles psychotiques aigus et transitoires. Le trouble psychotique bref n'est pas équivalent dans le sens qu'il exclue la présence significative d'un trouble thymique et qu'il ne reconnaît pas les éléments de bon pronostic que sont l'installation sur-aigue (< 48h) et la polymorphie (la présence d'un facteur de stress aigu est le seul facteur de bon pronostic reconnu, l'idée étant de se rapprocher de la définition des psychoses réactionnelles). En pratique les troubles psychotiques brefs sont inclus dans les troubles psychotiques aigus et transitoires, mais sans leur être équivalent. Beaucoup trop restrictifs, ces critères n'ont jamais bénéficier d'une validation correcte.
Le DSM ne reconnaît pas la spécification de mixité pour les troubles schizo-affectifs. Il faut dire que même si cela était le cas, Gérard de Nerval ne les remplirait pas tant ils sont difficile à satisfaire : remplir simultanément les critères d'un trouble maniaque et d'une trouble dépressif majeure ! Si les critères d'une forme maniaque semble facile à remplir, il n'en est pas de même pour la dépression sur la base des documents dont nous disposons. Aussi le diagnostic de trouble schizo-affectif de type bipolaire semble le mieux correspondre (F25.0).

Notez que la séparation en forme bipolaire et dépressive a une incidence pronostique. La forme bipolaire maniaque (notion de schizo-manie) est de pronostic plus proche des troubles bipolaires, alors que la forme dépressive est plus proche de celle de la schizophrénie.
La distinction entre forme schizo-affective bipolaire et forme schizo-affective schizophrénique ne peut pas être superposée à la notion précédente. Cette séparation issue des critères de recherche de Spitzer a été intégrée à la classification elle-même et explique l'exigence de troubles psychotiques en l'absence de trouble de l'humeur pendant au moins 2 semaines pour se rapprocher de la définition de la forme schizo-affective schizophrénique, la seule à se distinguer des troubles bipolaires sur le plan pronostic.

Une dernière remarque a trait à la fin tragique par suicide de Gérard de Nerval. Le diagnostic de trouble schizo-affectif de type dépressif, et encore plus de type mixte, est la forme la plus à risque de suicide, au moins aussi élevé que dans la bipolarité dans le suivit de la cohorte de Zurich (soit 19% de décès par suicide en moyenne !). Ceci place le trouble loin en avant de la schizophrénie, dont le chiffre de 10% souvent avancé correspond en fait à l'ensemble schizophrénie + schizo-affectif. Le risque de décès par suicide dans la schizophrénie selon les critères du DSM4-R est plus proche des 5%.

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Hypothèse diagnostique selon la classification de WKL

La forme est clairement polymorphe, les familles PMD, psychoses cycloïdes et schizophrénies non systématisées sont donc à envisager.
La présence de trouble psychotiques non congruents à l'humeur rend peu probable une PMD (dont le diagnostic est beaucoup plus restrictif par rapport à celui du trouble bipolaire).
Avant d'envisager plus avant la distinction, il convient de se focaliser sur la fonction la plus atteinte : l'émotion, la pensée ou la psychomotricité. La grande confusion (cf. Aurélia) désorganisation de la pensée (cf. lettre) et du comportement (cf. descriptif) dont il semble avoir fait preuve devrait nous faire avant tout envisager soit une psychose confusionnelle (famille des psychoses cycloïdes), soit une cataphasie (famille des schizophrénies systématisées).
L'exclusion d'une cataphasie se fait formellement sur la base d'un test psychique expérimental négatif pendant un épisode. Hors d'une épisode, le test est évocateur dans plus de 95% des cas, spécifique dans 65%. En l'absence de cette donnée ce diagnostic ne peut être formellement éliminé.
Cependant un très grand nombre d'éléments plaide pour une psychose confusionnelle :

Avant tout l'alternance de phase de confusion sous une forme d'inhibition de la pensée et sous une forme d'excitation.
Exemple de confusion dans sa forme inhibée (le numéro des pages est donné en référence à la mise en page d'Aurélia mise à dispositon sur le site) :

"Les visions qui s'étaient succédé pendant mon sommeil m'avaient réduit à un tel désespoir, que je pouvais à peine parler; la société de mes amis ne m'inspirait qu'une distraction vague; mon esprit, entièrement occupé de ces illusions, se refusait à la moindre conception différente; je ne pouvais lire et comprendre dix lignes de suite." (2ème partie, IV, p.25)

Ou le vécu d'une forme excitée atténuée :

"Je dissertais chaleureusement sur des sujets mystiques; je les étonnais par une éloquence particulière, il me semblait que je savais tout, et que les mystères du monde se révélaient à moi dans ces heures suprêmes." (1ère partie, II, p.6)

A noter que si l'humeur est le plus fréquemment congruente, cela n'est pas obligatoire.

Dans cette dernière phase, la fin de la lettre destinée au Dr Blanche montre une incohérence de choix thématique sévère qui correspond à la désorganisation particulière de ce trouble (ruptures indiquées par '¤').

"J'ai peut-être plus de protections à faire mouvoir [valoir ?] que vous n'en rencontrerez contre moi. ¤ Je ne sais pas si vous avez trois ans ou cinq ans, mais j'en ai plus de sept et j'ai des métaux cachés dans Paris. ¤ Si vous avez pour vous-même le G**** O***** je vous dirai que je m'appelle le frère terrible. Je serais même la soeur terrible au besoin. ¤ Appartenant en secret à l'Ordre des Nopses, qui est d'Allemagne, mon rang me permet de jouer carte sur table...¤ Dites-le à vos chefs..."

Les autres courriers montrent une forme moins sévère qui peut passer pour une forme de digression littéraire.

Un autre signe caractéristique est la présence d'erreurs de reconnaissance
Ainsi au cours du premier épisode :

"Partout je retrouvais des figures connues." (1ère partie, IV, p.8)

Ou du second :

"J'entrai au café de Foy dans cette idée, et je crus reconnaître dans un des habitués le père Bertin des Débats." (2ème partie, V, p.28)

Mais attention, des erreurs de reconnaissance s'observent aussi dans d'autres troubles, ici c'est leur caractère non liée à une émotion ou un délire, et passager ou non fixé (il a cru reconnaître) qui est en faveur de ce trouble.
Ceci est à rapprocher de véritables trous de mémoire lorsque le trouble est au plus fort (cf. Patrick). Ainsi a début du premier épisode :

"Beaucoup de parents et d'amis me visitèrent sans que j'en eusse la connaissance." (1ère partie, III, p.8)

Ou au début du second épisode, Nerval ne semble pas se souvenir comment il est arriver à l'hôpital.

"Pendant la nuit, le délire augmenta, surtout le matin, lorsque je m'aperçus que j'étais attaché. Je parvins à me débarrasser de la camisole de force et vers le matin je me promenai dans les salles." (2ème partie, V, p.28)

On observe aussi des falsifications mnésiques :

"deux amis que j'avais cru voir déjà vinrent me chercher avec une voiture. Je leur racontai tout ce qui s'était passé, mais ils nièrent être venus dans la nuit." (1ère partie, III, p.7)

Ces trouble de la mémoire expliquent aussi les fréquents égarements et l'errance qu'il rapporte.

"Il appela sa femme qui me dit: "Qu'avez-vous? - Je ne sais, lui dis-je, je suis perdu" ". (2ème partie, IV, p.27)

Enfin, il est sans doute en lien avec le vécu onirique, la difficulté qu'à le sujet à faire la part de ce qu'il a vécu à l'état de veille et ce qu'il a rêvé en cours de son sommeil. Nerval met les deux sur un pied d'égalité, ce qui ne doit pas être un simple effet littéraire, mais bien la façon dont il a vécu son trouble. De plus, lorsqu'à posteriori le sujet rapporte son vécu de l'épisode, il décrit l'impression d'avoir vécu tout cela comme dans un rêve :

"l'épanchement du songe dans la vie réelle" (1ère partie, III, p.6).


On retrouve les facteurs prodromaux classiques avec le manque de sommeil précédent l'épisode, qui au moins dans le premier cas est lié à une surcharge de travail. Voici ce qu'il dit pour la seconde série d'épisode (1853-54) :

"Les corrections m'agitèrent beaucoup. Peu de jours après l'avoir publiée, je me sentis pris d'une insomnie persistante. J'allais me promener toute la nuit sur la colline de Montmartre et y voir le lever du soleil. Je causais longuement avec les paysans et les ouvriers. Dans d'autres moments, je me dirigeais vers les halles. Une nuit, j'allai souper dans un café du boulevard et je m'amusai à jeter en l'air des pièces d'or et d'argent. J'allai ensuite à la halle et je me disputai avec un inconnu, à qui je donnai un rude soufflet;" (2ème partie, V, p.27)

On reconnaît aussi le début suraigu après une nuit d'insomnie complète, entraînant une hyperactivité ou une agitation, une logorrhée, des troubles du comportement et une irritabilité.

La versatilité des émotions qui oscillent entre extase et angoisse, voir dépression.

"O terreur! voilà l'éternelle distinction du bon et du mauvais" (p.30)
"Une nuit, je parlais et chantais dans une sorte d'extase" (p.31)
"Toute mon existence semblait devoir se consumer à monter et descendre" (p.32)

Ceci a été intégré par Perris dans ses critères qui mélangent toute les formes de psychoses cycloïdes, mais cela ne fait pas parti de ceux que Leonhard utilise. Il ne s'agit pour lui que de l'émergence des autres formes dans la forme principale. Il faut cependant reconnaître leur grande fréquence. Perris avait aussi rapporté la très grande fréquence des préoccupations par des idées de morts :

"En entrant, je lui dis que tout était fini et qu'il fallait nous préparer à mourir". (2ème partie, IV, p.27)

S'y associe souvent des impressions de fin du monde

"Puis, je me dis: "Mais c'est plus encore! c'est le véritable déluge qui commence." L'eau s'élevait dans les rues voisines; je descendis en courant la rue Saint-Victor et, dans l'idée d'arrêter ce que je croyais l'inondation universelle..." (2ème partie, V, p27)


Les idées de référence, la sensation de concernement sont fréquentes

"et le prêtre fit un discours qui me semblait faire allusion à moi seul". (p26)

Avec le sentiment que tout prend sens

"Le langage de mes compagnons avait des tours mystérieux dont je comprenais le sens, les objets sans forme et sans vie se prêtaient eux-mêmes aux calculs de mon esprit; - des combinaisons de cailloux, des figures d'angles, de fentes ou d'ouvertures, des découpures de feuilles, des couleurs, des odeurs et des sons je voyais ressortir des harmonies jusqu'alors inconnues." (p.30).


De même que la sensation de déréalisation : le monde paraît irréel ou ses  couleurs paraissent transformées

"Je me dis que probablement le soleil avait encore conservé assez de lumière pour éclairer la terre pendant trois jours, mais qu'il usait de sa propre substance, et, en effet, je le trouvais froid et décoloré." (2ème partie, IV, p. 27)

Ou encore de déréalisation des autres personnes pour lesquelles la façon de l'exprimer actuellement est plutôt "comme robotisé".

"je ne faisais que me promener dans l'empire des ombres. Les compagnons qui m'entouraient me semblaient endormis et pareils aux spectres du Tartare" (2ème partie, V, p.29-30)

Enfin il peut y avoir la sensation de dépersonnalisation souvent en lien avec une forte angoisse :

"Là il me sembla que tout le monde me regardait. Une idée persistante s'était logée dans mon esprit, c'est qu'il n'y avait plus de morts; je parcourais la galerie de Foy en disant: "J'ai fait une faute", et je ne pouvais découvrir laquelle en consultant ma mémoire que je croyais être celle de Napoléon." (2ème partie, V, p.28)


Les hallucinations acoustico-verbales sont fugitives dans le cas de Nerval, mais peuvent être beaucoup plus envahissantes. Les hallucinations visuelles peuvent se voir, encore que dans le cas de Nerval il s'agisse surtout d'illusions, mais auxquelles il faut attacher la même signification qu'à une hallucination.

Le comportement comprend des phases d'agitation et de stupeur qui doivent ici être interprétées comme secondaires au trouble de la pensée, et non primaire comme dans les formes psychomotrices :

"Je marchai à grands pas, parlant avec animation de l'ignorance des hommes qui croyaient pouvoir guérir avec la science seule, et voyant sur la table un flacon d'éther, je l'avalai d'une gorgée. Un interne, d'une figure que je comparais à celle des anges, voulut m'arrêter, mais la force nerveuse me soutenait, et, prêt à le renverser, je m'arrêtai, lui disant qu'il ne comprenait pas quelle était ma mission." (2ème partie, V, p.28)

Et pour la stupeur :

"L'état cataleptique où je m'étais trouvé pendant plusieurs jours me fut expliqué scientifiquement," (1ère partie, V, p.11).

A noter que l'activité motrice peut contraster singulièrement avec le niveau d'activité de la pensée. Aussi dans cette phase cataleptique, Nerval semble avoir présenté une tachypsychie. Il s'agit pour Leonhard d'une mixité (non pas au sens stricte, mais au sens large, comme l'avait utilisé Kraepelin et Weygand avant lui).

Enfin Nerval décrit bien la guérison de la pathologie elle-même, qui précède de plusieures mois la disparition des idées délirantes résiduelles :

"Les soins de l'art m'avaient rendu à la santé sans avoir encore ramené dans mon esprit le cours régulier de la raison humaine." (1ère partie, VII, p.13)

Sans que pour autant la personne qui a souffert de cet épisode ne cherche à le rationaliser, à le comprendre, àç l'intégrer dans sa vie. La présence de ce questionnement est d'ailleurs reconnu comme étant un signe de bon pronostic (pas seulement en lien avec la présence d'un insight pouvant exister indépendament) :

"Telles sont les idées bizarres que donnent ces sortes de maladies; je reconnus en moi-même que je n'avais pas été loin d'une si étrange persuasion. Les soins que j'avais reçus m'avaient déjà rendu à l'affection de ma famille et de mes amis, et je pouvais juger plus sainement le monde d'illusions où j'avais quelque temps vécu. Toutefois, je me sens heureux des convictions que j'ai acquises, et je compare cette série d'épreuves que j'ai traversées à ce qui pour les anciens, représentait l'idée d'une descente aux enfers." (2ème partie, VI, p36)


Nerval décrit enfin la difficulté qu'il y a à refaire fonctionner la pensée comme avant, une sorte de lenteur psychique post-épisode qui met quelques mois à disparaître et qui a tendance à durer plus longtemps actuellement avec certains neuroleptiques. Leur valence anticholinergique pourrait y être pour quelques chose :

"Au bout d'un mois j'étais rétabli. Pendant les deux mois qui suivirent, je repris mes pérégrinations autour de Paris. Le plus long voyage que j'aie fait a été pour visiter la cathédrale de Reims. Peu à peu je me remis à écrire et je composai une de mes meilleures nouvelles. Toutefois je l'écrivis péniblement, presque toujours au crayon, sur des feuilles détachées, suivant le hasard de ma rêverie ou de ma promenade." (2ème partie, V, p.27)


Il faut insister sur les effets extrêmement délétères du cannabis sur ce type de trouble, qui le transforme en véritable forme maligne tant les épisodes peuvent alors se succéder à un rythme soutenu empêchant la récupération entre les accès. Son arrêt doit être un prérequis.

Pour finir, le trouble de Nerval paraît tardif (31 ans pour le premier épisode), mais il faut se rappeler que l'age moyenne de survenu du premier épisode est de 28 ans.
Nous avons cependant régulièrement fait l'observation de formes à début précoce (fin adolescence, adulte jeune), mais qui survenaient alors majoritairement soit dans un contexte de petit niveau intellectuel poussé dans ses limites adaptatives (cf. Ben) ou alors lié à la prise de cannabis (cf. Biam). Bien que cela n'ait pas été démontré, il n'est pas impossible que ces formes tirent artificiellement ce chiffre vers le bas, par rapport aux formes classiques.

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