Cas clinique Patrick : proposition de réponses

Commentaire Jack Foucher

Analyse symptomatique

Durant la phase d'état :
Le motif d'hospitalisation est un trouble du comportement avec agitation. Celui-ci rétrocède rapidement sans laisser de souvenir (confusion ?).
La dimension symptomatique la plus évidente est la désorganisation : comportement déplacé, bizarre, avec prise de risque, propos par moment totalement incohérents, digression, coq à l'âne, jeux de mot, en particulier par assonance. L'atteinte majeure de l'expression verbale, à une moindre mesure celle du comportement mais aussi la désorganisation des tableaux suggère que le désordre affecte aussi la pensée.
A coté, de cela il existe des éléments affectifs : idées de grandeurs, d'invulnérabilité, enflure du moi, le patient a envie de parler, blague facilement, présente une certaine jovialité. Il a présenté une importante excitation psychomotrice et pris des risques qui ont conduits à son hospitalisation. Bien que la question n'ait pas été posée directement durant l'enregistrement, il est vraisemblable que l'humeur soit élevée.
Les troubles psychotiques (délire et hallucinations) semblent avoir été brièvement présent au tout début des troubles.
Le masque faciale en revanche n'exprime en rien le bien être, mais plutôt un forme d'indifférence, l'expression des affects semble réduite (effet du traitement ?).
L'épisode d'exacerbation a duré moins de 6 mois (hospitalisation de 15 jours).

Entre les épisodes :
Lors du bref interview, il n'est plus possible de mettre en évidence de désorganisation. Patrick est actif, il fait des rencontres, accepte des interviews, parle, écrit, peint, cherche à se faire éditer et exposer. La modification thérapeutique sans doute pour un atypique semble avoir été bénéfique.

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Hypothèses diagnostiques selon la CIM et le DSM

Si nous suivons la CIM et le DSM, il suffirait de confirmer la présence d'une élation de l'humeur pour exclure le diagnostic de schizophrénie en raison de la présence durant une portion significative de l'épisode (plus d'un tiers du temps), de symptômes thymiques (D) (définition CIM, définition DSM). De plus, pour l'épisode actuel, la durée serait insuffisante si on ne retient pas les symptômes négatifs comme significatifs (A). Ils auraient pu en revanche entrer dans le cadre d'un trouble psychotique aigu et transitoire de la CIM ou d'un trouble schizophréniforme de du DSM. Le trouble bipolaire pourrait être envisagé, si les symptômes psychotiques ne dépassent pas (CIM) ou pas de plus de 2 semaines les symptômes thymiques (DSM). Les éléments que nous avons restent compatibles avec un épisode maniaque (définition CIM, définition DSM) avec symptômes psychotiques congruents ou non-congruents à l'humeur du DSM-4R, mais moins vraisemblablement avec la définition de la CIM-10. Le diagnostic de trouble schizo-affectif est le plus probable (définition CIM, définition DSM). Il existe sous deux sous-formes : dépressive ou bipolaire. La sous-forme est bipolaire dès qu'il y a un épisode maniaque (ou mixte).

Pronostic : L'évolution actuelle (sous traitement) du trouble schizo-affectif de type bipolaire est intermédiaire entre la schizophrénie et la bipolarité, quoique généralement considérée comme plus proche de celui de la bipolarité. Elle est jugée plutôt favorable sur le long terme. Ici le facteur principal de rechute semble être l'arrêt brutal du traitement ainsi que la reprise d'une consommation cannabique. La mauvaise adhésion au traitement, comme la toxicomanie au cannabis sont des facteurs de mauvais pronostic.

Thérapeutique : Le traitement repose quoi qu'il en soit sur les neuroleptiques pour le traitement de l'épisode et pour le traitement d'entretien. Pour ce dernier l'addition d'un thymorégulateur favorise une meilleure stabilité, et le lithium est celui pour lequel il existe le plus de preuve d'efficacité (cf. recommandations).

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Hypothèses diagnostiques selon l'école de WKL

Si nous utilisons la nosographie de Leonhard, nous pouvons retenir la présence d'éléments confusionnels (pas de souvenir de la crise d'agitation), exclusivement observés dans les formes bipolaires : PMD, psychoses cycloïdes et schizophrénies non systématisées. Nous avons insuffisamment d'éléments sur le plan évolutif pour être certain que des symptômes persistent entre les épisodes. Cet élément ne permet donc pas de distinguer les formes récitantes pures (PMD, PC) des formes avec accumulation de symptômes (SNS). Rappelons que cet élément n'est déterminant que dans le cas où des symptômes persistent entre les épisodes, lorsqu'il n'en et rien, toutes les possibilités restent ouvertes. Il faut donc plonger plus avant dans la clinique. La PMD peut pratiquement être exclue en raison des symptômes psychotiques non congruent à l'humeur. Le symptôme le plus en avant est la désorganisation de la pensée (se manifestant sur le langage, le comportement et l'expression artistique). Nous pouvons donc retenir principalement : soit une psychose cycloïde de type confusionnelle dans sa forme excitée, soit une cataphasie. L'étude de la forme particulière de la désorganisation est cruciale pour les distinguer. Sur le peu d'éléments dont nous disposons, il semble ne s'agir que d'une incohérence de choix thématique :

"L'interdiction de la télé, ça signifie que ici ce doit être l'ordre publique qui doit être restauré. Souvenez-vous de cette phrase : « l'ordre publique doit être restaurée », mais nous avons bien compris que c'est la TVA du bâtiment qui doit augmenter (contamination par TV ?), alors que c'est la TVA de l'alimentation qui aurait dû baisser, et l'ordre publique sera toujours restauré et nous instaurerons la restauration. Non, non, je ne suis pas royaliste..."

Le sujet répond à côté de la question, saute d'un thème à un autre après avoir disserté sur l'un pendant un instant (ce qui est différent de ce qu'on observe lors de forte tachypsychie d'une PMD). On retrouve cette organisation en "motte" dans le tableau (dont on ne sait pas s'il a été peint durant une phase) : chaque partie du tableau correspond à un thème.

Enfin, la désorganisation est évidente sur le comportement et s'accompagne d'une agitation, ce qui est rare dans les cataphasies, mais fréquent dans les psychoses confusionnelles excitées. L'intensité des symptômes initiaux tient certainement beaucoup à l'arrêt brutal du traitement (part de la psychose d'hypersensibilité). Le rôle joué par la consommation de cannabis est considérable sur l'évolution des psychoses cycloïdes.

Pronostic : Les psychoses confusionnelles ont le pronostic favorable de leur famille, les psychoses cycloïdes. Favorable signifie que le pronostic dépend uniquement de la fréquence et de l'intensité des phases d'exacerbation et qu'il n'y a aucune accumulation de symptômes dans l'intervalle, ce que semble confirmer l'état du patient lors de l'inteview finale, et ce malgré 10 récidives. Tout au plus peut-on observer une légère perte de dynamisme, comme dans la PMD, et la présence de quelques symptômes de base. Ici il y a cependant deux facteurs qui font craindre une haute fréquence de récidive et donc une gêne considérable : la faible adhésion au traitement (après 10 épisodes !), et surtout la poursuite d'une intoxication cannabique qui sur les psychoses cycloïdes a un effet aggravant considérable. Il y a là nécessité d'une psycho-éducation plutôt que d'un affrontement. Il est probable qu'en dehors de l'épisode en lui même où elle correspond à une forme de comportement à risque, la prise de cannabis aide à lutter contre quelques symptômes de base ou une dysphorie. Or il se trouve que le cannabis est effectivement efficace contre ceux-ci immédiatement après la prise, chose dont le patient s'est certainement rendu compte. Les effets délétères auxquels le patients ne croit sans doute pas ne se manifestent que 6 à 8 heures après la prise : majoration de l'anxiété, de la dysphorie et de certains symptômes de base. Il faut l'expliquer et l'amener à une prise de conscience.

Thérapeutique : Pour la phase aiguë, étant donné son intensité, il ne serait venu à l'idée de personne de se contenter de benzodiazépines, pourtant utiles dans cette indication. Les neuroleptiques sont efficaces. L'ECT est une alternative, à utiliser principalement en cas de résistance. Si la phase véritablement confusionnelle avait durée plus longtemps, les anticholinesthérasiques auraient pu être essayés. Le traitement d'entretien devrait ne reposer que sur des doses faibles de neuroleptiques, avec une préférence pour l'aripiprazol en raison de son bon profile d'effet secondaire. Néanmoins la seule thérapeutique pour laquelle existe des preuves d'efficacité est le lithium (> 0.6 mEq/l). Certains l'étendent aux autres normothymiques. REM : Il serait interessant de connaitre les antécédents personnels et familiaux, positifs pour une épilepsie dans près de 20%. Les psychoses cycloïdes sont associées à des anomalie EEG à type de pointes ou pointes ondes (rarement ralentissement) dans les régions temporales internes. La survenue aigue des symptômes chez ce patient mériterait de les rechercher (demander un EEG grand casque avec électrode temporales basses). Certaines équipes japonaises et espagnoles ont réalisé des enregistrements plus sensibles encore (électrodes sphénoïdales), et ont observé ces anomalies dans 50% des psychoses cycloïdes

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