27/03/2020

Une définition générique pour les psychoses

La définition de ce terme varie au travers du temps et des modèles théoriques de référence. Celle que nous donnons se réfère au modèle médical.

Les psychoses sont des pathologies psychiatriques qui ont en commun d'entraîner, le plus souvent occasionnellement mais parfois de façon continue, une inadaptation à la réalité. Celle-ci se manifeste par une distorsion dans la perception ou l'interprétation des événements extérieurs, la gestion des affects, l'organisation de la pensée et du comportement. Généralement, cette distorsion est suffisamment sévère pour interférer avec la conscience que le patient peut avoir de son trouble, on parle d'anosognosie. Mais le terme a une connotation tellement tranchée en neurologie, le patient étant généralement incapable de remettre en cause sa perception, que la psychiatrie lui préfère souvent le terme de défaut d'insight plus graduel.

Les anglo-saxons n'incluent dans les symptômes psychotiques que les délires et les hallucinations. Mais dans certains cas, les troubles du comportement ne découlent pas d'un défaut de perception (hallucinations) ou d'analyse (délires). Ils peuvent être secondaires à un trouble de l'humeur ou correspondre à une désorganisation primitive de la pensée, du langage ou de la planification.

Bien que les pathologies que ce terme recouvre soient variables, on en distingue généralement les confusions et les démences. Ces deux pathologies ont une origine organique reconnue. Mais cela ne signifie aucunement que les psychoses n'aient pas de cause physique. Actuellement la plupart des psychiatres considèrent en fait qu'elles ont bien des étiologies organiques, mais que celles-ci n'ont pas encore pu être mises en évidence.

On associe souvent les psychoses avec la notion de gravité. Il est exact que les troubles psychotiques ont souvent un retentissement important sur la vie des patients qui en souffrent. Mais ce n'est pas systématique. Certains patients souffrant de troubles obsessionnels compulsifs ou de syndrome de stress post-traumatique peuvent être tout autant, si ce n'est plus gênés dans leur vie que certains patients psychotiques.

Les systèmes de classifications internationaux, qui se veulent a-théoriques n'acceptent généralement que la distinction entre troubles exogènes (d'origine organique) et psychiatriques. En revanche la distinction entre troubles endogènes et troubles névrotiques au sens large n'est plus considérée comme étant d'actualité. Mais dès lors que l'on recherche les causes de ces troubles, cette distinction reste pratique, même si son application n'est pas sans poser quelques difficultés. Certains développements névrotiques font suite à un conflit interne que l'individu a des difficultés à résoudre, souvent le fruit d'une interaction entre des circonstances extérieures et une personnalité particulière. Dans les psychoses endogènes on suppose que les symptômes émergent en lien avec un dysfonctionnement organique dont la nature reste encore inconnue ou cryptique.

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Le problème du diagnostic

Le diagnostic en psychiatrie pose des problèmes sans équivalent dans les autres disciplines médicales. Il en résulte une fréquente incompréhension avec le médecin psychiatre.

Dans notre pratique clinique il nous est apparu essentiel d'éclairer autant que faire se peut le patient et sa famille et les armer le mieux possible pour affronter la pathologie.

Un diagnostic ne consiste pas seulement à poser un nom sur une plainte ou des symptômes. Un diagnostic s'accompagne, du point de vue du patient : d'un pronostic, d'un traitement, et malheureusement aussi souvent en psychiatrie, d'un stigmate social, comme si être souffrant n'était pas déjà suffisant, en soi. 

La démarche médicale classique permet de poser un diagnostic de maladie. Mais une maladie répond à une définition particulière. Il s'agit d'une "entité morbide naturelle", c'est à dire que l'on en connaît souvent l'étiologie, et, au moins en partie, la physiopathologie. On entend par étiologie la cause initiale de la maladie, par exemple la multiplication d'une bactérie spécifique comme le streptocoque. La physiopathologie correspond à toute la chaîne d’événements qui part de l'étiologie, ici le développement bactérien, pour expliquer les symptômes, par exemple ceux d'une otite moyenne : inflammation, obturation de la trompe d'Eustache, et mise sous-pression de l'oreille interne entraînant la douleur.

Intuitivement on imagine que le diagnostic du médecin psychiatre est aussi un diagnostic de maladie. Cette croyance est tellement répandue qu'il arrive même à certains psychiatres de le croire. En dehors du domaine de la démence et de pathologies liées à l'absorption de substances, il n'en est rien !

Même pour des pathologies aussi handicapantes et fréquentes que les psychoses, nous ne savons rien, ou beaucoup trop peu sur leurs étiologies et leurs physiopathologies pour pouvoir les qualifier de maladies. Pourtant nous avons bien des entités avec des noms : il s'agit de ce qu'on appelle des "troubles". Un trouble est défini par une association de symptômes ayant une évolution particulière à moyen terme. Autrement dit, un diagnostic en psychiatrie ne signifie rien de plus que ce qu'il est possible d'observer, une sorte de résumé pratique pour les échanges entre les intervenants.

Mais le problème ne s'arrête pas là. Comme ces troubles ne correspondent à aucune étiologie ou physiopathologie, nous ne disposons d'aucun test diagnostic, d'aucun examen qui permette de les étayer. Aussi la définition de ces troubles ne repose donc que sur des conventions. Malheureusement, le pluriel est de mise, car en France, il existe au moins quatre conventions largement utilisée :

  • La classification internationale des maladies de l'OMS, appelé la CIM-10, car elle en est à sa dixième version. Il s'agit de la référence, surtout sur le plan administratif,

  • Le manuel de diagnostic et de statistique de l'Association Américaine de Psychiatrie, nous détaillons certains aspects du DSM-IVR (quatrième version révisée) et depuis 2013 du DSM5 (cinquième version dont les différences avec la version antérieure pour les troubles qui nous occupent sont assez ténues). C'est la base la plus fréquemment utilisée dans les études internationales. Elle diffère significativement de la précédente, même si elle est élaborée en collaboration avec les mêmes équipes. La CIM et le DSM font essentiellement des diagnostics d'épisodes, le patient pouvant changer de diagnostic au cours du temps.

  • La nosographie française, qui n'est pas définie sur la base de critères stricts comme les conventions précédentes, est aussi légèrement mouvante en fonction des auteurs. La stabilité des diagnostics dans le temps est à peine supérieure à celle des classifications internationales. Sauf qu'après un long temps d'évolution (plusieurs années), l'intégration de celle-ci dans le diagnostic la rend plus reproductible. Mais le raisonnement est tautologique : une schizophrénie est une schizophrénie car le trouble ne guérit pas, une PMD est une PMD car jusque là le patient a présenté des rémission de bonne qualité...

  • Une référence psychanalytique, que l'on ne peut pas véritablement qualifier de nosographie, car il n'existe pas de trouble (ou de maladie) en psychanalyse, mais des malades. Autrement dit il existe un trouble par patient, ce qui ne facilite pas l'accumulation des connaissances. Cependant,0 pressé par le patient ou sa famille, le psychanalyste peut être amené à parler de psychose, plus rarement de troubles plus spécifiques. Enfin le concept de "structure psychotique" n'a rien à voir avec la notion commune de psychose, puisque son usage est utilisé assez largement pour les sujets (normaux ou patients) qui n'ont pas un accès au symbolique jugé suffisant. Cet accès qui est considéré comme un prérequis à une structuration sur un mode névrotique que celle-ci soit normale ou pathologique.

  • Enfin, le cercle d'excellence sur les psychoses cherche à promouvoir des classifications plus proches du concept de maladie. La plus validée aujourd’hui est la classification de Karl Leonhard. Encore que même pour celle-ci, il n'est possible de parler aujourd'hui que de phénotypes. Ceux-ci ont une stabilité validée sur la vie entière et pour certains d'entre eux, une forte agrégation familiale. Cette classification est malheureusement plus complexe et donc peu utilisée, mais ce site cherche à la faire connaitre.

Les termes utilisés par chacune de ces conventions sont souvent les mêmes, alors qu'ils recouvrent des réalités différentes. Autrement dit, lorsqu'un médecin psychiatre formule un diagnostic, il faut lui demander sur quelle base il se fonde, car les implications pronostiques et thérapeutiques ne sont absolument pas les mêmes. Ainsi un diagnostic de schizophrénie posé par le DSM et la CIM sont des diagnostics d'épisodes, et peuvent être amenés à changer lors des récidives. La nosographie française tente à l'inverse de définir des troubles valables sur la vie entière, autrement dit les épisodes précédents vont être pris en compte dans la formulation du diagnostic. Le psychanalyste fait le plus souvent un diagnostic de structure de la personnalité, et la structure psychotique déborde largement le champ de la psychose telle que définie par les autres nomenclatures. Enfin la classification de Leonhard définit des troubles valables sur la vie entière, ayant certaines spécificités étiologiques.

Connaissant cela, ceux qui ont été confrontés aux incohérences de diagnostic entre plusieurs psychiatres comprennent à présent qu'il ne s'agit la plupart du temps non pas d'une erreur de l'un ou de l'autre, mais d'un référentiel différent, ou encore d'un diagnostic porté sur un épisode différent lorsqu'il s'agit de la CIM ou du DSM.

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L'annonce du diagnostic

En psychiatrie de façon générale, et dans le domaine des psychoses en particulier, en raison de la lourdeur d'un diagnostic comme celui de schizophrénie, certains psychiatres sont réticents à les porter, d'autant qu'ils sont bien conscients de leurs limites. De plus, ils redoutent, non sans raison, les réactions parfois totalement inappropriées du patient ou de son entourage. Enfin, rares sont les services universitaires qui proposent à leurs étudiants une formation à l'annonce du diagnostic.

Car un diagnostic seul, lancé à le tête du patient et de son entourage familial à la fin d'une consultation n'est d'aucun intérêt, voire conduit à des réactions contre-productives. Un diagnostic s'explique : quelles sont les bases sur lesquelles il se fonde, que signifie-t-il en terme d'évolution des symptômes, de devenir fonctionnel et de traitement ? Comment la personne et son entourage peuvent-ils réduire le risque de récidive ou d'évolution péjorative ? Quels sont les symptômes qui pourraient annoncer une rechute et que faire pour l'éviter ? De plus le patient doit être accompagné pour l'aider à accepter, à réadapter certains objectifs de vie, ou vivre avec certains symptômes que le traitement ne peut effacer.C'est ce que l'on appelle la psycho-éducation, apprendre au sujet (et à son entourage) à devenir acteur de sa propre guérison. Si cela est fait, alors toutes les études convergent pour conclure que l'annonce diagnostic, si elle est intégrée à des informations de nature psycho-éducative, a des vertus thérapeutiques dans la majorité des troubles psychotiques. C'est d'ailleurs à l'heure actuelle la seule psychothérapie dont l'efficacité soit admise par tous. Cependant une intervention psycho-éducative ponctuelle n'est efficace que sur le moyen terme. Il est nécessaire de répéter les informations, guider et re-motiver périodiquement le patient et son entourage pour que l'efficacité se maintienne sur le long terme.

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Les nouveaux traitements

Fort heureusement de nouveaux traitements sont en cours de développement comme de nouveaux médicamentx, ou la TMS ou rTMS (stimulation magnétique transcrânienne). Nous essairons de vous fournir quelques éléments d'information sur chacun d'eux.

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